Découverte et premier contact
J’ai découvert les cannabis synthétiques quand j’avais à peine dix-huit ans. À cette époque, je passais beaucoup de temps à lire sur les forums des informations sur les Research Chemicals, un peu fascinés par tout ce monde de molécules nouvelles dont on parlait comme de drogues « légales », pourtant il y a de grandes différences entre les différentes familles de substances que proposent ces sites, et il m’a fallu du temps pour le comprendre…
C’est comme ça que j’ai commandé mon premier sachet. Un petit sachet d’herbes sèches, d’apparence banale, mais avec cette mention mystérieuse : not for human consumption. C’était censé être quelque chose de très fort, je ne me rappelle plus du nom exact de la molécule qu’il contenait, je pense du 5F-AKB-48 mais je n’en suis plus très sûr.
Un soir à l’internat, je l’ai montré à mon voisin de chambre. Je lui ai dit :
« Regarde, c’est du cannabis synthétique, c’est super puissant. »
On en a mis une simple pincée dans un joint, littéralement quelques milligrammes. Rien à voir avec un vrai joint de weed.
Dès les premières bouffées, l’effet est tombé d’un coup. Une montée ultra rapide, sans transition. Mon voisin, lui, a tiré un peu plus que moi… et en quelques minutes, il a commencé à partir complètement. Il a eu un regard vide, puis s’est mis à donner des coups de tête dans le mur. Il répétait qu’il devait aller se calmer dans sa chambre, qu’il ne se sentait plus lui-même.
J’étais figé, entre la peur et la fascination. Je réalisais que ce truc n’avait rien à voir avec le cannabis que je connaissais. C’était brutal, incontrôlable, trop fort.
Premières prises et premières impressions
Les premières fois, j’étais partagé entre curiosité et inquiétude. L’effet était si intense que je pensais au début que c’était quelque chose d’extraordinaire, comme une version « boostée » du cannabis, une sorte de super THC.
Mais très vite, j’ai compris que ce n’était pas un plaisir stable. Le corps partait dans tous les sens, l’esprit se fragmentait, et la moindre bouffée de trop pouvait tourner au cauchemar.
La sensation était complètement différente du cannabis naturel : plus métallique, plus froide, sans chaleur, sans la douceur que peut avoir un joint classique. L’euphorie était trop stimulante et durait à peine quelques minutes avant de basculer vers quelque chose de dérangeant, d’anxiogène, presque toxique.
J’ai fini par ne plus vouloir y toucher. Mais il m’est arrivé, parce que je n’avais pas accès à du cannabis normal ou par curiosité, d’en refumer quelques fois, les soirs où je n’avais pas accès à du cannabis standard. À chaque fois, la même conclusion : c’était trop fort, trop instable, trop risqué et je regrettais.
Une fois, j’en ai même fumé pendant un trip psychédélique, pensant que ça amplifierait l’expérience. En réalité, ça a été un bad trip monumental : paranoïa, confusion, battements de cœur incontrôlables, cette impression d’être prisonnier d’une bulle toxique. Une expérience que je n’ai jamais oubliée.
L’incident critique qui m’a fait m’en éloigner :
Je raconte cet incident dans ma vidéo. À l’époque, je diluais souvent ce sachet de cannabis synthétique avec du damiana pour avoir sur mon quelque chose de « plus safe ». En gros, je mélangeais à grosse échelle : une petite quantité de ce mélange hyper-concentré dans beaucoup de damiana, vingt pour un, je dirais. Même comme ça, ça restait plus puissant que n’importe quel joint de weed classique que j’avais fumé.
Ce soir-là j’étais avec deux amis et j’avais laissé le sachet sur la table du salon, le sachet herbal « pur », celui que j’avais acheté, pas la version diluée. On était trois dans l’appartement. J’étais allé aux toilettes cinq minutes, pendant ce temps il y a mon pote qui fouille, il n’avait plus rien pour rouler et plus de weed standard à fumer , il a pris le sachet, a bourré une pipe et l’a allumée. Je pense qu’il n’imaginait pas à quel point c’était concentré car il était habitué à la version diluée : la bouffée était grosse, directe.
Durant les vingt minutes qui ont suivi, j’ai cru que j’allais perdre mon ami. D’abord, les signes bizarres : les yeux qui se révulsent, ce regard qui n’est plus dedans. Il a commencé à vomir, tout en hurlant. Son visage est devenu violacé, comme si le sang ne circulait plus correctement. À un moment, on a cru qu’il ne respirait plus. Il était complètement désorienté, il ne pouvait pas parler, il haletait, il faisait des gestes incohérents. On paniquait. On a appelé les pompiers en criant, comme dans un mauvais film.
Je n’oublierai jamais la sensation d’impuissance en attendant les secours, surtout qu’il ne comprenait pas la situation et pensait que j’appelais pour un banal bad trip au cannabis. C’était long, interminable. Au bout de trente minutes, il a commencé à revenir doucement à lui. Les vomissements se sont calmés, il a retrouvé un souffle régulier et a finalement pu articuler quelques mots. On avait l’impression d’avoir frôlé quelque chose de bien plus grave. Au début, on ne pensait pas qu’il allait s’en sortir. On a parlé ensuite avec les secours : ils nous ont dit qu’on avait eu de la chance, que certains cas finissent mal quand la personne est plus petite ou vulnérable.
Et ça m’a frappé de plein fouet : si ce n’avait pas été lui, un grand gaillard baraqué, mais mon autre amie qui était présente, qui est une fille de faible corpulence, si c’est elle qui avait pris la même pipe, on aurait peut-être eu un décès. Je n’exagère pas. La marge entre une dose qui envoie et une dose qui tue m’est apparue si mince que ça m’a fait basculer dans la culpabilité. J’ai pensé à ma responsabilité, à mon inconscience d’avoir laissé ce sachet accessible.
Depuis, je continue d’entendre et de lire un nombre incalculable de récits comparables : gens hospitalisés, insuffisances respiratoires, psychoses induites, gens qui ne s’en sortent pas. Ce soir-là, j’ai reçu une leçon que je n’oublierai pas : ces molécules, nous ne les connaissons pas, elles ne correspondent à aucun de nos repères et elles peuvent transformer des soirées banales en cauchemars.
Je ne peux pas annuler ce qui s’est passé mais je peux le dire. Pour que ceux qui sont amenés à le lire sachent que la curiosité ne couvre pas le risque de perdre la vie. Et que laisser traîner des sachets « mystérieux » dans la maison, c’est jouer à la roulette russe, surtout s’il y a des gens fragiles autour.
Processus d’addiction, tentatives d’arrêt et réflexions personnelles
J’ai eu la chance de ne pas tomber dans une consommation régulière. Après les premières expériences si négatives et l’épisode dramatique avec mon ami, je m’en suis éloigné, et je ne l’ai jamais refumé. Mais autour de moi, l’histoire n’a pas été la même pour tout le monde.
Beaucoup de proches, quand ils ont découvert ces produits, ont commencé à remplacer leur cannabis par ça. Au départ, c’est souvent une question d’accès et de prix : ces produits coûtent peu, se trouvent facilement, et promettent une sensation très puissante. Pour certains, la progression a été rapide. Ce n’est pas la même dépendance que pour le cannabis « classique » : la tolérance monte vite, la recherche d’effet devient obsessive, et le manque est brutal. Là où une absence de cannabis provoque surtout fatigue et irritabilité, le manque de ces molécules peut amener des crises intenses, agitation extrême, agressivité, comportements autodestructeurs, états proches de la psychose.
J’ai vu des groupes entiers fumer ce qu’ils croyaient être du hashish correct et se retrouver piégés parce que le produit avait été coupé avec du synthétique. Le résultat : des gens qui, en manque, tapaient dans les murs, perdaient contact avec la réalité, devenaient dangereux pour eux-mêmes et pour les autres. C’est terrifiant parce que beaucoup ne savent même pas qu’ils consomment un synthétique. Le mélange, la dilution, la revente frauduleuse de produits de cannabis de basse qualité très bon marché imbibé de ces substances synthétiques font que l’exposition involontaire est probablement très répandue.
Sur le plan des tentatives d’arrêt, j’ai vu que les symptômes de manque et la difficulté pour arrêter est bien plus forte qu’avec le cannabis normal de plus, les rechutes peuvent être dangereuses : une prise après période d’abstinence peut aboutir à une surdose parce que la concentration du produit est inconnue.
Ce que je retiens, et ce que je tiens à dire très clairement :
- Ces produits ciblent souvent des personnes qui ont peu de moyens ou qui vivent dans des contextes où le cannabis régulier est difficile d’accès ;
- Ils sont souvent vendus, coupés ou présentés de façon frauduleuse ;
- Il est possible d’en faire une overdose dès la première prise.
Mes recommandations, simples et directes :
- Si votre cannabis « fait un effet étrange et inhabituel», faites-le analyser si vous en avez la possibilité.
- Méfiez-vous des offres trop bon marché et des vendeurs peu fiables.
- Ne consommez jamais seul un produit dont vous n’avez pas l’habitude, et évitez de partager une prise quand vous ne connaissez pas l’origine du produit.
- Commencez toujours par des doses infinitésimales si vous êtes curieux, mais sachez que même cela n’annule pas le risque d’une concentration extrême de produit.
- Si quelqu’un présente des signes sévères (difficulté à respirer, perte de conscience, convulsions, couleur anormale du visage), appelez les secours immédiatement.
Enfin, à ceux qui lisent et qui ont un ami ou un proche dans cette situation : faites preuve d’empathie, mais aussi de fermeté. Aidez-les à trouver de l’aide médicale ou psychologique. Ce n’est pas une question de jugement, c’est une question de survie. J’ai eu vent de nombreuses histoires de gens à qui ces substances ont complètement gâché la vie.
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