La toute première fois que j’ai expérimenté un psychédélique, j’avais pris 50 microgrammes de 1P-LSD, accompagnés d’une petite dose de MXP. Petite précision importante : je ne recommande pas de mélanger des substances lors d’une première expérience. C’est ce que j’ai fait, mais à l’époque, j’étais plus jeune, beaucoup moins conscient et responsable qu’aujourd’hui. C’est quelque chose que je tiens à souligner.
Quand les effets ont commencé à monter, j’ai été un peu submergé. Mon mental s’emballe, tout va très vite, et j’ai ressenti le besoin de m’ancrer à quelque chose de familier. Alors, dans un élan assez étrange mais instinctif, j’ai téléchargé le sujet du bac de maths que j’avais passé quelques mois auparavant… et je me suis mis à refaire l’examen, en plein trip, sous acide , avec la MXP qui venait tout amplifier.
Très vite, j’ai senti que mon cerveau fonctionnait différemment. Il allait à toute vitesse, mais dans plusieurs directions à la fois. Ce qui m’a marqué, au-delà de cette hyperactivité mentale, c’est cette sensation étonnante : les mathématiques avaient un goût. Littéralement. Et ce goût, c’était celui d’une glace bleue que j’adorais quand j’étais petit, elle s’appelait “glace Schtroumpf”, dans le magasin.
Je me souviens avoir été sincèrement étonné par ce ressenti. Je trouvais ça fascinant que des équations ou des raisonnements puissent évoquer une saveur douce, sucrée, et chargée de souvenirs. C’est la première fois que j’ai perçu ce mélange des sens, et ça m’a profondément marqué.
Il faut savoir qu’en me renseignant un peu plus tard sur ce que j’avais vécu, j’ai découvert qu’il existait en réalité plusieurs formes de synesthésie, chacune portant un nom différent selon les sens qui se croisent. Chez certaines personnes, par exemple, un son peut déclencher une couleur ; chez d’autres, un bruit peut provoquer une image, une forme. C’est un champ vraiment vaste, et fascinant.
Dans mon cas, je pense que ce que j’ai ressenti se rapproche d’un type de synesthésie assez rare : la synesthésie lexicale-gustative. C’est-à-dire le fait d’associer un mot, une lettre, ou un concept abstrait, comme une idée ou une opération mathématique, à une saveur. Même si les mathématiques ne sont pas des mots à proprement parler, ils forment tout de même un langage à part entière, avec sa structure, ses symboles, sa logique interne. Du coup, ça me semble cohérent de considérer que ce goût de glace bleue ressenti pendant que je faisais des maths sous LSD pourrait s’apparenter à cette forme-là de synesthésie.
Et franchement, vivre ça pour la première fois, c’était à la fois déroutant et magique.
Je me souviens avoir appelé un ami juste après, quelqu’un de proche qui était au courant de mes expérimentations. Je lui raconte cette histoire de mathématiques au goût de glace bleue, et là, il me dit, presque excité : « S’il te plaît, écoute le dernier son de PNL, j’ai besoin de savoir ce que tu ressens, j’ai envie de savoir quel goût il a. »
Dans un élan de bonté je décide de lui faire plaisir et je lance la musique, je l’écoute, et là… je commence à lui décrire ce que je ressens. Je lui dis : « J’ai l’impression que c’est de la tomate, de la viande hachée, de la laitue, de la sauce algérienne… »
Et là, fou rire. Parce qu’en gros, je venais de lui décrire un kebab. Et c’était d’autant plus drôle qu’on a tout de suite fait le lien avec ce cliché : les mecs qui sont à fond sur PNL, tu les croises souvent avec un kebab à la main. Alors évidemment, tout ça n’a rien de scientifique, mais à ce moment-là, la coïncidence entre mon ressenti et ce stéréotype culturel nous a vraiment fait marrer. Et c’est là aussi qu’on réalise à quel point la synesthésie, surtout induite par les psychédéliques, peut te faire voyager dans des associations à la fois hyper personnelles et culturellement chargées.
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